jeudi 22 mai 2008

L’Indonésie, ou la phobie du silence et de la solitude.

L’Indonésie, ou la phobie du silence et de la solitude.

Ce qui m’a frappé lors de l’ascension du Krakatau : le silence absolu une fois arrivé au sommet - qui succède au son d’un souffle lourd encrassé par des années de tabagisme…c’était la première fois en 2 ans que je n’entendais absolument rien… je ne l’ai d’ailleurs pas réalisé tout de suite. Je trouvais qu’il y avait quelque chose d’étrange, de magnifique…ce n’était pas la vue, bien qu’elle soit elle aussi très belle… c’était le calme.

Ca tranche avec Jakarta. Une visite dominicale au Mall Ambassador vous le fera comprendre… En rentrant de Carrefour, il faut passer par les stands de DVD, les petites boutiques de fringues…chaque stand a son propre sound system, ses enceintes et boomers. Une surenchère de décibels, de la musique de partout, mais aucune n’est audible, un mélange de Bon Jovi, Beyonce, avec une touche de Dangdut…je n’ai qu’une envie, fuir… Impossible, cet endroit, insupportable à mon gout, est un populaire tempat nongkrong, les Indos s’y baladent avec plaisir, déambulent lentement entre les rayons, téléphonent même au milieu de cette insupportable cacophonie…

Dans la rue, en plus du bruit des voitures, kopajas et autre bajajs, les warungs font aussi marcher la radio ou la télé à fond, les aveugles chantent avec une boite a rythme dangdut en fond sonore…si votre autoradio est cassé et que vous êtes en manque de bruit, pas de problème, ouvrez la fenêtre au feu rouge, un gamin viendra vous chanter une chanson pour 1,000 Roupies, ou une petite vielle viendra taper sur une mini cymbale ou un morceau de bois...

Un autre exemple frappant: trekking de 3 jours dans la jungle a Sumatra. On part avec deux guides, qui nous disent : laissez les sacs, nos collègues les amèneront au bivouac ce soir…Ils arrivent donc le soir chargés comme des mules avec nos sacs, la bouffe, des bières, des casseroles…et comme si ce n’était pas assez, une magnifique radio en forme de moto de course…au lieu de profiter du calme et des bruits de la jungle, on met la radio…

Au bureau, c’est la même chose, chaque pièce a sa musique, généralement assez forte, il faut un fond sonore… Le bruit est présent toute la journée.

Passer un moment seul ? Ca ne va pas la tête ? Les indonésiens prennent rarement le temps de s'isoler. Dans la rue, dans les malls, au bureau, on les voit souvent en groupes, comme si le fait d'être seul n'était pas envisageable.

Un jour, je partais manger seul un midi. Une collègue me demande, avec l'habituelle curiosité indonésienne (un autre sujet sur lequel il y a tant à dire, revue à venir "bientôt"...) :
"- Tu vas manger où ?
- Dans le building d'à-côté.
- Avec qui ?
- Tout seul
- Tout seul ???
- Euh, oui, pourquoi ? ...
- Qu'est ce qui ne va pas, tu déprimes ?
- Euh, non, pourquoi ?
- Bon attends, je t'accompagne..."

On va au resto, on s'installe. Je commande un nasi goreng et ma collègue commande un jus de fraise.
"-Tu ne manges pas ?
- Non, j'ai déjà mangé avant de venir.
- ???... Alors, pourquoi m'as-tu accompagné ?
- Eh bien, je n'allais quand même pas te laisser aller manger tout seul !!"

Le bruit fait partie intégrante de la culture indonésienne, de même que la foule… En occident, la foule effraye, ici, elle rassure… En Indonésie, le silence met mal à l’aise, et la solitude fait peur…ayo, kita rame-rame !!

Agoraphobes, préférez l’Alaksa…

1 commentaires:

Anonyme a dit…

Excellente revue... tellement vraie...

Le bruit en Asie... Où mon skipper sur la baie dHa Long qui vient jouer au Serpent sur son téléphone portable volume à fond à 2 mètres de moi en plein calme sur la baie d'Ha Long...

CR.